La paternalité (Article no 1)
« Le plus dur pour un papa, c’est de vivre une grossesse sans sensations directes ».
Benoît Le Goëdec
La grossesse du papa
En écho au terme de primipare, certains auteurs ont occasionnellement utilisé le néologisme « primipère ». Je l’utiliserai à mon tour, car il illustre bien ce « timing » spécial, organisé par la Nature, qui survient pendant la grossesse de sa femme, lorsque l’homme est invité à devenir père.
Au cours de la gestation, du moment de la naissance et des premiers mois de la vie de son premier enfant, le futur papa va vivre de profonds remaniements de son fonctionnement psychique et de sa vie affective, qui lui permettront ou non, d’effectuer la transition vers la paternalité.
Ce terme est un néologisme également, comme celui de la maternalité, d’ailleurs. En effet, jusqu’à ces quelques dernières décennies, on se préoccupait peu de ce qui se passait dans le psychisme des futurs parents.
Ces termes se distinguent de ceux de paternité et de maternité, qui décrivent un état de fait, que le parent soit physiquement présent et émotionnellement investi ou non. Au contraire, les deux néologismes ci-dessus, décrivent un processus évolutif qui nécessite du temps pour effectuer une sorte de métamorphose
qui finalement aboutira à la parentalité. Ce processus peut se dérouler à merveille ou être retardé, voir empêché.
Comme cela se produit pour la femme lorsqu’elle apprend sa grossesse, que celle-ci soit voulue ou non, l’homme est confronté au même choc de la parentalité. Benoît Le Goëdec, le sage-femme le plus connu de France, témoigne : « Oui, j’étais très inquiet, très anxieux en permanence. Et en même temps, très vite habité d’une autre présence. Dès que j’ai su qu’elle était enceinte, je me suis senti différent. Le monde a pris une autre couleur. Je me suis senti plus lourd, plus homme… ».
D’ailleurs, je me demande pourquoi on a gardé ce titre professionnel au féminin ? Même si on ne souhaite pas dénommer ces hommes comme étant des sages-hommes, ne pourrait-on pas simplement les appeler des accoucheurs ?
Est-ce un résidu de matriarcat où l’accouchement était une histoire de femmes ?
Est-ce une manière inconsciente de tenir les hommes à distance ?
Je me demande à quel point cette dénomination féminine ne retient pas un certain nombre d’hommes d’embrasser cette profession ?
Pour en revenir à la problématique des « primipères« , leurs complications intérieures, pendant la grossesse et après, sont plus fréquentes qu’on ne le pense, mais on en parle peu. Pourtant, il n’est pas rare que l’on entende qu’untel a subitement quitté sa compagne du jour au lendemain alors qu’elle est enceinte, ou qu’il a basculé dans une dépression, avant ou après la naissance.
Ce qui est plus tenu secret dans les chaumières, ce sont les cas de violences domestiques qui commencent pendant la grossesse. Au premier abord, cela paraît un peu étrange et assez mystérieux. Alors essayons de comprendre :
De multiples facteurs, de nature très différente, influencent ce processus de paternalisation, qu’ils soient psychologiques, biologiques, sociaux ou culturels. La grossesse, la naissance et le développement d’un enfant, impliquent d’importants réaménagements tant conscients qu’inconscients.
A la fin des années 1950, la psychanalyste américaine Thérèse Benedek, qui s’est penchée sur ce sujet, en parlait comme du « parenthood », terme qui ensuite, a été traduit par « parentalité ». Elle décrit ce processus comme étant l’une des étapes-clés de la maturation psychique dans l’évolution de l’être humain. En terme neuroanatomiques, nous dirons qu’il se produit un développement du lobe préfrontal.
En faisant le lien entre hier-aujourd’hui-demain, la parentalité s’enracine dans l’histoire personnelle du futur père, mais aussi dans celle de sa famille, grâce à la transmission intergénérationnelle. En passant de l’état de « fils de… » à « père de… », il devient aussi un maillon de la chaîne qui transmet la vie aux générations futures.
Mais il peut y avoir des accidents. « C’est au moment où son ventre est devenu très gros, que j’ai commencé à me sentir si mal », témoigne un internaute.
Mais la crise de paternalité peut survenir à n’importe quel moment de la grossesse et de l’après-naissance. Qu’il le veuille ou non, ce rôle dans la transmission intergénérationnelle lui donne une certaine responsabilité. Le maillon de cette chaîne qu’il représente, sera-t-il assez fort pour en assumer les conséquences ?
Bien que beaucoup de nouveaux papas s’épanouissent dans cette expérience inoubliable et irremplaçable, il semblerait que parfois le maillon plus faible cède.
Pratiques sociales
En effet, on observe la survenue de fréquents comportements imprévus et inadéquats que ce nouveau statut déclenche chez certains pères en devenir.
Quand le passé nous rattrape
La construction du lien père-bébé se prépare psychiquement dès la grossesse, au cours d’un voyage intérieur où, même à son insu, le futur père part à la recherche du groupe familial d’autrefois.
Kordd
Dans ses retrouvailles avec l’enfance, il revit l’ambiance qui régnait dans son foyer, celle qui déterminait ou non, sa base de sécurité affective. Il retrouve l’éducation qu’il a reçue, elle-même imprégnée par les générations précédentes, et qu’il s’apprête à reproduire inconsciemment, à son tour.
Soudain, il se rappelle de moments marquants, agréables ou désagréables, qu’il avait oubliés et qui peuvent parfois le sortir de sa « zone de confort » habituelle. Il se produit une sorte de régression censée favoriser un réaménagement de son identité. De nombreux hommes sortent grandis de cette expérience. D’autres, non.
Réactions fight or flight, résultats de blocages émotionnels
Parfois, tout sera tellement occulté par de nombreux blocages émotionnels, qu’aucune prise de conscience ne sera possible. C’est alors que les fantômes du passé s’exprimeront par des « acting », terme qui décrit des passages à l’acte impulsifs.
La confrontation à la paternalité précipite des hommes vulnérables, dans des comportements qui mettent en difficulté le couple, mais également la relation future avec leur enfant. Ce seront des fuites du domicile conjugal, des aventures amoureuses, des violences.
Parfois, ils choisissent cette période pour s’investir à fond dans une promotion professionnelle. Ou alors, ils partent pour un long voyage de plusieurs semaines. Selon la loi du « fight or flight », c’est le « flight » de l’évitement, nous l’avons bien compris.
Psychopedia
Mais certains d’entre eux basculent dans le « fight » et deviennent parfois bagarreurs. Ils seront pris dans des altercations physiques ou relationnelles sur leur lieu de travail ou dans des espaces publics. Ils seront plus souvent victimes d’accidents.
Aussi, on observe une relative fréquence de divorces ou de séparations après la naissance de l’enfant.
Lors des remémorations ou reviviscences du passé, si ce que le futur père retrouve est suffisamment bon, il s’en servira comme d’un socle pour créer cette nouvelle famille avec sa compagne et, ainsi, donner une place de choix à son futur enfant.
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Si tel n’est pas le cas, soit qu’il se trouve dans un déni profond ou que des reviviscences trop douloureuses activent des bouffées d’angoisse, il ne sera plus en mesure de faire la différence entre le passé et le présent. Les conséquences seront alors l’évitement de la paternalité, même si cette grossesse avait été voulue et planifiée avec lui.
Ces situations dramatiques sur tous les plans, témoignent de la force de la résurgence traumatique du passé. Malheureusement, cela entraînera un risque de répétition de carences et de maltraitances pour son enfant, car des circuits neuronaux de violence ont ainsi été créés dans son petit cerveau, lorsque lui-même était en plein développement.
Il y a une troisième situation, malheureusement trop peu fréquente pour le père submergé, de demander de l’aide à un thérapeute compétent, qui pourra l’accompagner pendant le temps de l’avant et l’après-grossesse.
Essensys
Cette humilité et cette adéquation dans une situation difficile, est un bienfait pour toute la famille.
Les effets dommageables de l’éducation ancestrale
Les hommes consultent peu les psychologues, car depuis qu’ils sont tout petits, on leur serine qu’ils doivent être forts, ce qui entraîne un blocage de leurs ressentis émotionnels.
Demander de l’aide ne serait-ce pas plutôt un signe de courage, d’intelligence et de prise de conscience?
L’impact négatif de cette éducation obsolète est dommageable, car le temps de la grossesse opère, chez le père aussi, un état de « transparence psychique », décrit chez les femmes par Monique Bydlowski. Et le futur ou nouveau père se retrouve bien démuni devant ses nouvelles émotions.
C’est dommage, aussi, car il s’agit d’un état où les événements du passé sont plus accessibles, ce qui rend les thérapies plus rapidement efficaces.
Il faut encourager la psychothérapie ou toute autre approche de soutien, qui leur permettra de modeler leur cerveau autrement, par les processus de synaptogenèse et de neuroplasticité.
Ces nouvelles expériences s’inscriront aussi dans leurs gènes par le phénomène de l’épigénétique.
C’est ainsi qu’on peut dire que nos cellules se souviennent !
Vous trouverez la suite de cette problématique expliquée dans le prochain article intitulé » Paternalité no 2 »
Ce texte est un extrait de mon livre intitulé
» Accueillir mon bébé avec douceur et bonheur«
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