Le 16 mars
Dans les articles précédents nous avons passé en revue ce qui est à l’origine de la neuroplasticité dont le fonctionnement des neurones et les émotions du cœur, mais il est aussi important de s’arrêter sur ce phénomène extraordinaire qu’est l’épigénétique. Ce terme décrit le fait que l’expression de notre code génétique est sans cesse revue au gré de nos expériences. Cela est vrai autant pour les enfants que pour les adultes.
La citation du jour :
« Si l’on imagine que les gènes sont les danseurs et le noyau de la cellule la scène, on peut dire que l’épigénétique est la chorégraphie. Les gènes peuvent alors interpréter « Le lac des cygnes » dans les cellules hépatiques, « La belle au bois dormant » dans les cellules nerveuses et peut-être même « L’oiseau de feu» dans les cellules musculaires.»
Geneviève Almouzni
Quelle est la différence entre la génétique et l’épigénétique ?
Thomas Jenuwein, Directeur de l’Institut Max Planck de Freiburg, illustre élégamment ce phénomène de la façon suivante :
« On peut sans doute comparer la distinction entre la génétique et l’épigénétique, à la différence entre l’écriture d’un livre et sa lecture. Une fois que le livre est écrit, le texte ( les gènes ou l’information stockée sous forme d’ADN) seront les mêmes dans tous les exemplaires distribués au public ».
astrid@rouen-Flickr.com
Cependant, chaque lecteur d’un livre donné, aura une interprétation légèrement différente de l’histoire, ce qui suscitera en lui des émotions et des projections personnelles au fil des chapitres. »
D’une manière comparable, l’épigénétique permettrait plusieurs lectures d’une matrice fixe (le livre ou le code génétique), donnant lieu à diverses interprétations, selon les conditions dans lesquelles on interroge cette matrice.
L’épigénétique est le domaine qui étudie l’influence de l’environnement et l’expérience individuelle sur l’expression des gènes, ainsi que sur leurs modifications transmissibles d’une génération à l’autre. Celles-ci ont la particularité d’être héritables sur plusieurs générations, même si la cause qui a induit la modification a disparu !
Les effets de l’épigénétique sur la fonction des gènes commencent dès la conception. Elles se poursuivent pendant le développement intra-utérin et persistent après la naissance.
Lorsque l’on parle de l’environnement négatif, on peut citer des situations de guerre, de famine, et dans nos pays, surtout les violences, que ce soit à l’école ou à la maison, les viols ou des maladies et bien plus encore.
L’environnement positif, ce sera un lieu de vie sécurisant, confortable, joyeux, convivial, où règne le respect, la bienveillance, amour…
Les changements, qui surviennent suite à des modifications épigénétiques, peuvent être observables chez de vrais jumeaux séparés à la naissance, vivant et se nourrissant donc dans des environnements différents.
Bien qu’ils aient exactement le même code génétique, ils présentent néanmoins parfois des dissemblances morphologiques quant à la taille ou à la stature. Selon leurs vécus respectifs, ils présentent aussi des sensibilités émotionnelles et des attitudes comportementales différentes.
En 1940, deux vrais jumeaux ( issus de la même cellule) sont nés dans l’Ohio, aux USA, et ont été mis en adoption dans deux familles différentes à l’âge de 3 semaines. Les deux couples qui les ont adoptés croyaient que chacun des deux garçons avait un frère jumeau mort-né.
Les similitudes que ces deux jumeaux ont eues ensuite au cours de leurs vies sont étonnantes. En effet, les deux garçons ont été nommés James par leurs parents adoptifs. Les deux étaient très bons en maths et très mauvais en orthographe et avaient deux chiens d’enfance nommés Toy.
Quand ils ont grandi, ils sont tous les deux devenus shérifs, ils se sont mariés à deux femmes qui ont le même prénom, Linda. Et plus époustouflant encore, ils ont divorcé et ils se sont remariés avec deux femmes nommées Betty. Bien sûr, leurs fils sont nommés Alan et Allan.
A 39 ans, une recherche d’enregistrement les a réunis pour découvrir ces incroyables similitudes.
Ça laisse rêveur, tout ça !
Difficile de voir de l’épigénétique là dedans. Ces destinées très semblables s’expliquent probablement par d’autres phénomènes plus subtiles, peut-être au niveau de l’âme ?
Bref, si nous revenons à ce qui nous intéresse ici, l’épigénétique, nous voyons néanmoins une différence sur ces deux physionomies qui devraient normalement être totalement identiques vu leur code génétique commun. Pourtant, nous observons une petite différence. D’ailleurs, il y en a peut-être d’autres comme le son de la voix ou des expressions gestuelles que nous ne pouvons pas vérifier ici.
Les transformations épigénétiques, apparues suite à l’interaction avec l’environnement, sont des phénomènes d’adaptation qui initialement étaient prévus pour contribuer à la préservation de l’espèce.
Pour diverses raisons évidentes, la plupart des études sont faites sur des souris ou des rats, qui sont des mammifères comme nous. Les chercheurs en extrapolent ensuite les résultats sur les humains.
Ces études montrent que lorsque les ratons sont isolés et peu maternés, ils dépérissent. Au contraire, ceux qui sont bien et suffisamment léchés (le léchage est la manière des souris de caresser), s’épanouissent très rapidement grâce à toutes ces stimulations positives ( ici l’influence de l’environnement positif), surtout s’ils vivent en compagnie d’autres ratons, s’ils ont des jouets à leur disposition et si on leur fait goûter des aliments nouveaux. La qualité du maternage est évaluée par le nombre de toilettages et de léchages. Du rat à l’humain, les mécanismes sont semblables.
Souris djhamster-Flickr.com
Par le phénomène de la synaptogenèse ainsi stimulée (déjà décrite dans un des articles précédents), ils développent l’arborescence de leurs dendrites à leur plein potentiel, particulièrement dans leur hippocampe. Ces fibres nerveuses augmentent rapidement de longueur, en intensifiant le nombre de leurs connexions synaptiques.
Les études de Michael Meaney, de l’Université Mc Gill de Montréal, démontrent que lorsqu’une maman souris materne bien ses bébés, les souriceaux évoluent magnifiquement et présentent un hippocampe bien développé. Ce dernier est pourvu de nombreux récepteurs aux glucocorticoïdes, qui permettent de réguler le taux de cortisol (hormone du stress) circulant, en le maintenant à son niveau idéal. Ces récepteurs sont constitués de protéines synthétisées sous le contrôle des gènes.
De ces expériences animales, nous pouvons en tirer un parallèle avec la qualité de l’environnement (affectif, social, physique etc. ) sur le bon développement de nos enfants.
Rappelons le triste exemple des petits orphelins roumains découverts à la mort de Ceaucescu. Il avaient avant tout manqué de maternage et de stimulations diverses et montraient, sur des images IRM, des hypotrophies ou atrophies de certaines zones de leurs cerveaux bien que leurs codes génétiques aient été normaux au départ.
Ce qui confirme l’hypothèse de l’épigénétique dans ces situations dramatiques, c’est que les processus ont été en partie réversibles lorsque ces enfants ont été adoptés dans des familles bienveillantes.
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